Détention provisoire : le point de départ du délai imparti à la chambre de l'instruction pour statuer
Publié le :
31/03/2023
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Dans un arrêt du 7 mars 2023, la chambre criminelle de la Cour de cassation vient confirmer sa jurisprudence sur le point de départ du délai imparti à la chambre de l’instruction pour statuer- le lendemain de la transcription de l’appel- tout en ne sanctionnant pas l’écoulement du délai entre l’intention et la déclaration d’appel.
Alors qu’il était mis en examen dans le cadre d’une information ouverte des chefs d’importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, M. B formait une demande de mise en liberté auprès du juge des libertés et de la détention, laquelle était rejetée.
L’ordonnance de rejet lui était notifiée le 28 octobre 2022.
M. B formalisait une intention d’appel le 4 novembre 2022 et l’enregistrement de sa demande par le greffe était effectuée le 9 novembre 2022 ainsi que sa transcription.
La chambre de l’instruction confirmait l’ordonnance de rejet de mise en liberté par un arrêt du 28 novembre 2022.
M. B formait un pourvoi en cassation et faisait valoir un moyen d’irrégularité tiré de ce que la chambre de l’instruction avait statué tardivement sur l’appel, considérant qu’elle aurait dû se fonder sur la date de l’intention d’appel (4 novembre 2022) et non sur le lendemain de la date de la déclaration d’appel et sa transcription comme point de départ du délai imparti à la chambre de l’instruction pour statuer.
La chambre de l’instruction fixait en effet le point de départ du délai qui lui était imparti pour statuer au 10 novembre 2022, soit le lendemain de la transcription de l’appel par le greffe du tribunal judiciaire qui avait eu lieu le 9 novembre 2022.
Elle estimait que le délai de 20 jours imparti à la chambre de l’instruction pour statuer expirant le 29 novembre 2022, qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner la mise en liberté d’office de M. B, l’arrêt étant prononcé le 28 novembre 2022.
M. B formait alors un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la chambre de l’instruction et faisait valoir que « tout retard dans l’enregistrement de la déclaration d’appel par les services pénitentiaires ne peut, sauf circonstance imprévisible ou insurmontable extérieure au service de la justice, avoir pour effet d’allonger le délai d’examen de l’appel ».
La Cour de cassation va rappeler le point de départ du délai imparti à la chambre de l’instruction pour statuer sur l’appel d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention, le lendemain du jour de sa transcription par le greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée
Elle précise que « hors le cas de circonstances imprévisibles et insurmontables extérieures au service de la justice, il n’en va autrement que s’il s’est écoulé, entre la manifestation d’intention de la personne détenue et la transcription de l’appel dans le registre de la juridiction, un délai excessif ayant fait obstacle à ce qu’il soit statué sur la détention provisoire dans le bref délai exigé par l’article 5 §4 de la Convention européenne des droits de l’homme ».
Avant de s’intéresser à l’apport de cet arrêt, notamment quant au point de départ du délai imparti à la chambre de l’instruction pour statuer au regard de l’intention d’appel et de la déclaration d’appel (II), il sera rappelé que la chambre de l’instruction est soumise à des délais pour statuer avec pour sanction la remise en liberté (I).
I. Les délai impartis à la chambre de l’instruction pour statuer
Les délais sont différents selon qu’il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre d’un placement en détention provisoire (A) ou à l’encontre d’une ordonnance de rejet de demande de mise en liberté ou ordonnance de prolongation de la détention provisoire (B).A. En cas d’appel d’un placement en détention provisoire
En cas d’appel d’un placement en détention provisoire, qui doit intervenir dans le délai de 10 jours à compter de la notification ou de la signification à l’intéressé (art. 186 du Code de procédure pénale), la chambre de l’instruction est soumise à un délai très court puisqu’elle doit statuer dans un délai de 10 jours à compter du lendemain de la transcription de la déclaration d’appel par le greffe.Ce délai est de 15 jours si l’intéressé sollicite lors de sa déclaration d’appel à comparaître personnellement.
La comparution personnelle n’est pas nécessairement la comparution physique à l’audience ; elle s’entend également de la comparution en visioconférence qui tend à se généraliser, principalement lorsque l’appelant est détenu dans une maison d’arrêt lointaine et que son extraction n’est matériellement pas possible (absence de personnel pénitentiaire pour procéder à l’extraction).
Ainsi, même si l’appelant sollicite sa comparution personnelle et s’oppose à la visioconférence, il sera réputé avoir sollicité sa comparution personnelle et le délai imparti à la chambre de l’instruction pour statuer sera donc de 15 jours, quand bien même l’appelant ne serait pas extrait et seulement entendu en visioconférence.
Le délai imparti s’entend du délai pour statuer, c’est-à-dire du délai pour rendre un arrêt ; ainsi, si l’audience a lieu dans le délai imparti, c’est-à-dire dans les 10 ou 15 jours selon le cas de figure, mais que la chambre de l’instruction rend son délibéré au-delà du délai imparti pour statuer, le détenu doit être remis en liberté.
Ce délai très court imparti à la chambre de l’instruction pour statuer sur un appel de placement en détention provisoire est allongé lorsque la chambre de l’instruction doit statuer sur l’appel interjeté à l’encontre d’une ordonnance de rejet de demande de mise en liberté ou d’une ordonnance de prolongation de la détention provisoire.
B. En cas d’appel d’une ordonnance de rejet de demande de mise en liberté ou de prolongation de la détention provisoire
Le détenu peut déposer des demandes de mise en liberté à tout moment de la procédure et en cas de rejet de cette demande, peut interjeter appel de ces ordonnances de rejet de demande de mise en liberté.L’examen par le juge des libertés et de la détention de la demande de mise en liberté ne fait pas l’objet d’une audience.
Il en va différemment des prolongations de détention provisoire.
Lorsque le détenu est mis en examen pour une délit ou plusieurs délits, le mandat de dépôt initial est de quatre mois.
Si le juge d’instruction souhaite prolonger cette détention, il doit saisir le juge des libertés et de la détention avant l’expiration de ce délai.
Le juge des libertés et de la détention organise un débat contradictoire et décide de prolonger ou non la détention provisoire pour une nouvelle période de quatre mois.
Si le détenu est mis en examen pour un crime, le mandat de dépôt initial est d’une durée d’un an ; le juge de la liberté et de la détention peut ensuite prolonger la détention provisoire pour des durées de six mois.
Qu’il s’agisse d’un appel à l’encontre d’une ordonnance de rejet de demande de mise en liberté ou d’une ordonnance de prolongation de la détention provisoire, la chambre de l’instruction doit statuer dans un délai de 15 jours à compter de la transcription de l’appel si l’appelant ne sollicite pas sa comparution personnelle et de 20 jours s’il sollicite sa comparution personnelle.
Dans le cas d’espèce, le requérant considérait que le point de départ du délai qui devait être pris en compte était le jour de réception par le greffe pénitentiaire de l’intention d’appel ; la chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle que le point de départ du délai est le lendemain de la transcription de l’appel.
Elle laisse ainsi un délai à l’administration pénitentiaire pour enregistrer la déclaration d’appel, à condition toutefois qu’il ne se soit pas écoulé un délai excessif ayant fait obstacle à ce qu’il soit statué sur la détention provisoire dans le délai exigé par l’article 5§4 de la Convention européenne des droits de l’homme.
II. Le point de départ des délais : le lendemain du jour de sa transcription au greffe nonobstant le délai écoulé entre l’intention d’appel et la déclaration d’appel
Peu importe le délai écoulé entre l’intention d’appel, intention évoquée dans un courrier réceptionné au greffe le 4 novembre 2022 et la déclaration d’appel effectuée au greffe pénitentiaire le 9 novembre 2022 (A), dès lors que ce délai n’a pas fait obstacle à ce qu’il soit statué sur la détention provisoire dans le bref délai exigé par l’article 5§4 de la Convention européenne des droits de l’homme (B).A. L’intention, la déclaration et la transcription de l’appel
Pour bien comprendre les termes de l’arrêt, il convient de définir ces différentes notions dans leur ordre d’apparition chronologique.1°/ L’intention d’appel : il s’agit d’un courrier adressé au greffe pénitentiaire aux fins de faire connaître l’intention de faire appel.
La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que cette demande devait répondre à un formalisme particulier puisque la personne incarcérée doit manifester son intention ferme et non équivoque de faire appel, à l’occasion d’un courrier dont ce doit être le seul et unique objet.
Un courrier formalisant deux demandes ne pourra être perçu comme une intention d’appel, comme l’a rappelé la chambre criminelle par deux arrêts, les 25 mai 2022 (n° 22-81.572) et 6 septembre 2022 (n° 22-84.048).
La Cour de cassation exige donc que le courrier par lequel le détenu signifie son intention de faire appel de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention soit dénué de toute ambiguïté, en manifestant clairement son intention de faire appel, et pour ce faire, qu’il ne comporte aucune autre demande.
En pratique, ce courrier est remis au premier surveillant pénitentiaire de l’étage du bâtiment dans lequel est incarcéré le détenu.
2°/ La déclaration d’appel : ainsi que le prévoit l’article 503 du code de procédure pénale, l'appel peut être fait au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.
En pratique, le surveillant pénitentiaire remet le courrier au greffe pénitentiaire et conduit le détenu auprès du greffe afin de formaliser son appel et le signer.
Cette déclaration est constatée, datée et signée par le chef de l'établissement pénitentiaire et par l'appelant ; si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de l'établissement.
La déclaration d’appel est alors adressée sans délai au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.
3°/ La transcription de l’appel : le greffe du tribunal judiciaire destinataire enregistre la déclaration sur un registre de la juridiction prévu à cet effet.
Ce n’est que le lendemain de la transcription par le greffe de la juridiction dont la décision est attaquée que le délai imparti à la chambre de l’instruction pour statuer sur cet appel commencera à courir.
Ainsi, l’intention d’appel auprès des services de l’administration pénitentiaire diffère de la déclaration d’appel auprès du chef d’établissement, qui diffère elle-même de la transcription par le greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.
B. Indifférence du délai écoulé entre l’intention et la déclaration d’appel
En l’espèce, l’intention d’exercer la voie de recours à l’encontre de l’ordonnance notifiée le vendredi 28 octobre 2022 résultait d’un courrier réceptionné au greffe pénitentiaire le 4 novembre 2022, soit dans le délai de 10 jours d’appel.En effet, l’ordonnance ayant été notifiée le vendredi 28 octobre 2022, le délai d’appel de 10 jours courait à compter du samedi 29 octobre.
La déclaration d’appel ainsi que sa transcription n’étaient effectuées que le mercredi 9 novembre 2022, soit 5 jours après.
Selon la Cour de cassation, la déclaration d’intention était prise en compte pour considérer l’appel recevable car elle était faite dans le délai de 10 jours.
En revanche, la cour de cassation ne sanctionne pas l’écoulement du délai de 5 jours entre l’intention d’appel et sa déclaration au greffe, considérant que ce temps écoulé ne constitue pas un délai excessif ayant fait obstacle à ce qu’il soit statué sur la détention provisoire dans le bref délai exigé par l’article 5§4 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Le délai d’examen de la situation de la personne par la chambre l’instruction s’en trouve ainsi allongé.
Toutefois, seul un délai excessif, entre l’intention et la déclaration d’appel, ayant fait obstacle à ce qu’il soit statué sur la détention provisoire dans le bref délai exigé par l’article 5§4 de la Convention européenne des droits de l’homme serait constitutif d’une violation de la procédure.
La question qui se pose demeure la suivante : à partir de quel délai entre l’intention et la déclaration d’appel la Cour de cassation estimera qu’il excessif ? Il sera en toute hypothèse supérieur à 5 jours…
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